Fintech : faire de la France « the place to be »

Le 9 novembre 2019 |
Depuis 2016, la saga Brexit n’a cessé de nourrir les craintes de La City. Des incertitudes d’autant plus légitimes depuis la perspective d’un « hard Brexit », scénario redouté qui toucherait de plein fouet les fintechs britanniques en les privant de leur « passeport financier ». Alors que l’échiquier européen est en passe d’être redéfini, la France doit tirer son épingle du jeu.

La licence bancaire au cœur des préoccupations

Revolut, TransferWise, Funding Circle… ces licornes britanniques ont permis à Londres d’asseoir sa position de capitale européenne de la fintech. Une place stratégique et convoitée qu’un « hard Brexit » pourrait bien mettre à mal compte tenu de l’envergure de cette nouvelle industrie financière qui, au Royaume-Uni, compte pas moins de 60 000 talents1 provenant du monde entier. En outre, avec une progression de 18% par rapport à 2017, les 3,3 milliards d’euros levés en 2018 par la fintech britannique attestent de la confiance des investisseurs… et rassurent.

Or, cette stabilité pourrait n’être que de courte durée si le Brexit venait à priver ces fintechs de leur « passeport financier » puisqu’en cas de sortie sans accord de l’Union, elles ne seraient plus habilitées à adresser leurs produits et services aux 500 millions de consommateurs du marché unique, faute d’agrément bancaire européen. D’autre part, le recrutement de collaborateurs internationaux soulève lui aussi de nombreuses questions, La City ayant effectivement subi une première vague de départs et connaissant aujourd’hui des difficultés d’attractivité2, contexte oblige.

Cette conjoncture on ne peut plus incertaine a ainsi contraint les fintechs d’Outre-Manche à réfléchir activement à des solutions de repli, c’est-à-dire à des alternatives d’implantation voire, à terme, de financement si les investissements venaient à faiblir. Concrètement, entre potentielles délocalisations et fuite des ressources humaines, Londres pourrait bien perdre sa place de leader de la fintech au profit de la France ou de l’Allemagne.

Dans ces deux pays, comme d’ailleurs au Royaume-Uni, l’obtention d’un agrément bancaire est une procédure longue et coûteuse. Longue car les régulateurs se montrent particulièrement exigeants dans l’intérêt de la stabilité du secteur et de la protection des consommateurs, coûteuse car les fintechs doivent justifier de fonds conséquents – notamment en termes de fonds propres réglementaires – et se faire accompagner dans leurs démarches par des avocats et/ou consultants. Un processus onéreux et fastidieux que seules les startups ayant réalisé de grosses levées de fonds peuvent se permettre d’entreprendre, quand les plus jeunes pousses ne sont quant à elles pas en mesure d’engager de tels coûts par pure précaution.

La France déterminée à saisir cette opportunité

En détrônant Londres, Paris enverrait un signal fort. Celui d’une place financière de premier ordre, à la pointe de l’innovation et à la tête du plus grand marché unique au monde. C’est justement l’ambition que le gouvernement s’est fixé pour faire de la France « the place to be » : le lieu où s’implanter, où travailler, où investir. Un objectif qui s’inscrit toutefois dans un contexte particulièrement concurrentiel et marqué par l’émergence de nouveaux acteurs comme la Lituanie, dont la rapidité des procédures réglementaires (obtention d’une licence sous 3 mois) a déjà séduit des startups majeures de l’industrie fintech comme Revolut et TransferGo.

Pour attirer l’écosystème fintech britannique et s’ériger en capitale européenne du secteur, l’Hexagone doit mettre les bouchées doubles en profitant de cette conjoncture favorable au développement de son vivier et en capitalisant sur les trois atouts qui font sa singularité et sa force à l’international. A savoir l’importance accordée à la recherche, la qualité incontestée de sa formation et de ses savoir-faire – notamment en matière d’ingénierie –, enfin, le soutien de l’Etat à l’entrepreneuriat à travers son projet de « startup nation ».

Cette volonté de faire de la France le hub européen des startups a justement été réaffirmée par les récentes annonces d’Emmanuel Macron. Au programme, une mobilisation de 5 milliards d’euros, la création de 25 000 emplois d’ici un an, un objectif de 25 licornes tricolores à horizon 2025 et l’instauration d’un indice national, le Next40, afin de mettre en lumière et de favoriser l’ascension des pépites les plus prometteuses : de quoi renforcer l’attractivité du pays. A noter que nos fintechs, qui ont d’ailleurs levé 354 millions d’euros au cours du premier semestre 2019, sont 6 à figurer au classement.

Entre dynamique économique, innovation institutionnelle et politique accommodante, Paris dispose à l’évidence de toutes les cartes pour gagner l’intérêt de l’Outre-Manche… et rayonner en tant que capitale européenne de la fintech.

1, 2  Etude « Fuelling Fintech : attracting the UK’s future tech talent into financial services » menée par TheCityUK et le cabinet de recrutement Odgers Berndtson

Article paru dans Les Echos

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