Comment faire de l’expérience collaborateur une réalité ?

Le 8 janvier 2021 |
Sujet à la mode, sujet d’actualité, ou tout simplement un virage à ne pas louper, l’expérience collaborateur défie les chroniques. Si l’expérience collaborateur ne se limite pas à l’expérience candidat, l’expérience collaborateur demeure encore floue voire abstraite pour nombre d’entreprises. Comment agir de façon concrète et passer du concept à la réalité pour que les collaborateurs donnent le meilleur d’eux-mêmes ? Voici de premiers éléments de réponse !

Une interview de Séverine Loureiro, conférencière experte en expérience collaborateur, co-auteure de "Boostez l’Expérience Collaborateur" menée par Caroline Réaud, Consultante en expériences et accompagnement du changement chez Mazars.

Mot valise, mot tendance, l’expérience collaborateur est vue par certains comme une priorité et par d’autres comme un effet de mode. Pour vous, qu’est-ce que l’expérience collaborateur ?

Séverine Loureiro : L’expérience collaborateur, c’est le résultat des émotions et des perceptions ressenties par le collaborateur dans ses interactions avec l’entreprise : ses process, son environnement physique, son organisation, son management, ses collègues, ses valeurs. On parle donc bien de ce que vit le collaborateur, de ce qu’il ressent. Quoi que l’on veuille en penser, l’expérience collaborateur existe, parce que les perceptions des collaborateurs existent. L’expérience collaborateur ne peut donc pas se créer. On peut l’améliorer, la faire évoluer ou… la négliger. Cela aura toujours un impact sur le vécu des équipes. Elle ne se limite pas non plus à un moment du parcours : l’expérience collaborateur ne se résume pas à l’expérience candidat ! Elle commence bien avant l’arrivée du collaborateur et ne se termine jamais, car même après son départ, sa relation avec son ancienne entreprise continuera d’alimenter les perceptions qu’il en a. Elles teinteront ses messages quand il en parlera.

On parle donc des émotions que les collaborateurs ressentent dans leurs interactions avec leurs managers, leurs collègues, leur environnement de travail. Si ces émotions sont propres à chacun, comment une entreprise peut-elle travailler son expérience collaborateur comme une globalité ?

Séverine Loureiro : Vous avez tout à fait raison, l’expérience collaborateur est par essence personnelle, c’est la principale difficulté pour l’entreprise : comment adresser collectivement un sujet aussi personnel que les émotions ? Les directions marketing doivent elles aussi faire vivre une expérience client individuelle à chacun de leurs clients. C’est le véritable enjeu : dépasser la dimension individuelle pour réussir à créer une expérience collective et de la performance collective.

Alors existe-t-il une recette miracle ?

Séverine Loureiro : Non, sinon, tout le monde l’aurait déjà appliquée ! Mais il y a des certitudes.

La première chose à savoir, c’est que l’on ne peut exiger des collaborateurs qu’ils soient engagés. Si l’on souhaite bien plus que l’exécution d’une tâche, on doit offrir bien plus qu’un salaire. Il y a vingt ans, les collaborateurs recherchaient un emploi sécurisé qui assure une stabilité financière. Maintenant, ils recherchent une aventure humaine personnalisée.

Pour une entreprise, tout cela ne vise pas à rendre les collaborateurs heureux. Le premier objectif, c’est bien la performance économique. De nombreuses études l’ont montré, la qualité de l’expérience vécue par le collaborateur a un impact direct sur sa façon de travailler et, par extension, sur la performance de l’entreprise. Nous sommes au cœur du concept de symétrie des attentions® inventé par l’Académie du Service. Optimiser l’expérience collaborateur, c’est créer le cadre pour que les équipes donnent le meilleur d’elles-mêmes, pour le plus grand bénéfice de l’entreprise.

Vaste programme ! Peut-on s’inspirer de pratiques existantes dans d’autres entreprises ?

Séverine Loureiro : S’inspirer oui, mais copier, non ! Il n’existe pas de bonne expérience, quelle que soit l’entreprise. Cela reviendrait à vouloir calquer les mêmes méthodes dans toutes les entreprises, quel que soit leur secteur d’activité, leurs valeurs, leur ambition. D’ailleurs, nous avons vu des babyfoots fleurir un peu partout, et comptons-nous pour autant plus de collaborateurs engagés ? Non. Car la question clé est : « Cette expérience est-elle alignée avec mon organisation et ses enjeux ? ».

Vous parlez d’alignement et de cohérence : entre les différentes actions menées et la culture de l’entreprise, entre la promesse faite aux candidats et la réalité de leur expérience au quotidien. C’est assez étonnant car de nombreuses entreprises investissent du temps et de l’énergie dans leur marque employeur externe (la promesse, donc) tout en délaissant leur stratégie d’expérience collaborateur (le vécu des équipes). La cohérence est alors mise à mal par une grande dissonance cognitive. Pourquoi ?

Séverine Loureiro : D’un côté, les entreprises ont bien compris l’intérêt et la force d’impact qu’ont les témoignages et autres retours des collaborateurs sur leur quotidien et leur vie dans l’entreprise. De l’autre, elles n’ont pas toujours intégré l’importance de la perception de l’image interne sur la marque employeur.

Il est plus que compréhensible que dans notre contexte où l’attractivité est un enjeu majeur, les entreprises se soient d’abord focalisées sur la perception que l’externe, et en l’occurrence les candidats, avait d’elle en tant qu’employeur. Mais cette approche a parfois donné lieu à des dérives, notamment celle de déconnecter le message employeur de la réalité de l’interne, créant méfiance et déception chez les candidats et nouveaux embauchés. Il est temps de remonter d’un cran et de s’intéresser à la perception de l’interne en créant une dynamique positive où la fierté d’appartenance encourage les collaborateurs à faire rayonner positivement leur entreprise, ce qui renforcera d’autant plus leur fierté d’appartenance… Cela aura bien entendu un impact positif sur la marque employeur.  

Parmi les nombreux leviers qui impactent l’expérience collaborateur, le droit à l’erreur est l’un des sujets qui vous animent. Il sera d’ailleurs l’objet de votre prochain ouvrage, à paraître début 2021. Pourquoi avoir choisi ce sujet ?

Séverine Loureiro : Les dirigeants et les DRH sont encore un peu craintifs à l’idée d’encadrer le droit à l’erreur. L’objectif de ce livre sera de démystifier le sujet et d’inspirer via la présentation de bonnes pratiques en cours dans les entreprises. Je suis reste d’ailleurs toujours preneuse de nouveaux exemples de pratiques !

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