Lignes directrices relatives au contrôle des investissements étrangers en France : des précisions bienvenues !

Le 20 octobre 2022 |
Trouver l’équilibre entre l’attractivité de la France pour les investisseurs étrangers et la préservation de sa souveraineté économique et de sa sécurité nationale est une problématique majeure, en particulier dans un contexte de crise internationale. C’est l’objet du contrôle des investissements étrangers, régi principalement par les articles L.151-3 et R.151-1 du Code monétaire et financier.

Le régime a connu ces dernières années un réel renforcement avec un élargissement des domaines visés (la recherche et développement concernant les technologies critiques et les biens et technologies à double usage en 2018 ; la presse et la sécurité alimentaire en 2019 ; les biotechnologies en 2020 ; les technologies intervenant dans la production d'énergie renouvelable depuis le 1er janvier 2022), et depuis la loi Pacte du 22 mai 2019, avec la possibilité laissée au ministre de prendre a posteriori des mesures au regard d’un investissement entrant dans le dispositif de contrôle mais réalisé sans autorisation ; ces mesures pouvant aller jusqu’au rétablissement, aux frais de l’investisseur, de la situation antérieure.

Depuis quelques années, le périmètre de ce contrôle s’étend donc de plus en plus et est appelé à avoir un impact de plus en plus fort sur les opérations de M&A.

Par principe, les relations financières entre la France et l’étranger sont libres. Le contrôle des investissements étrangers est donc une exception strictement encadrée.

Pour entrer dans le périmètre du contrôle, l’opération doit réunir trois critères cumulatifs :

  •  l’opération est réalisée par un investisseur étranger (R-151-1 du Code monétaire et financier) ;
  •  l’opération vise un investissement dans uneentité de droit français et consiste à acquérir son contrôle ou tout ou partie d’une branche d’activité ou, si l’investisseur n’est pas issu de l’Union Européenne ou de l’Espace économique européen, à franchir le seuil de 25% de ses droits de vote (seuil abaissé à 10% dans une société française cotée sur un marché réglementé jusqu’au 31 décembre 2022 afin de « lutter contre les acquisitions inamicales facilitées par la fragilité liée à la crise1 ») (R.151-2 du Code monétaire et financier) ;
  • la cible de l’opération a une activité sensible (les domaines étant définis l’article R.151-3 du Code monétaire et financier).

Le contrôle des investissements étrangers est réalisé au sein du ministère de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique, qui a un bureau dédié au contrôle de l’ensemble des opérations sur le territoire national (le bureau « Multicom 4 »).

Compte tenu de l’enjeu sur le calendrier et sur les conditions des opérations de M&A, il est important de noter qu’en pratique, le bureau a une approche assez pragmatique. Ainsi, des échanges sont régulièrement organisés avec les cabinets ayant une activité de M&A pour discuter des textes, de leur application et avoir un retour d’expérience sur la pratique.

C’est dans ce cadre que le ministère a récemment publié, en septembre 2022, des lignes directrices concernant le contrôle des investissements étrangers.

Cette publication réaffirme la volonté de l’Etat que les acteurs économiques s’emparent du sujet, dans un contexte où le périmètre des activités sensibles et le panel des sanctions possibles s’élargissent.

L’objectif annoncé de cette publication est une meilleure sécurité juridique des opérations envisagées par les investisseurs étrangers, grâce à une présentation pédagogique et concrète du dispositif de contrôle. Les lignes directrices reprennent ainsi le champ d’application du contrôle mais également l’ensemble de la procédure d’autorisation ou d’examen préalable d’une activité et ses suites.

S’il est possible d’avoir une vision assez claire sur ce que sont un « investisseur étranger » et un « investissement » (les lignes directrices apportant des précisions bienvenues notamment concernant le cas des binationaux ou encore des opérations de constitution de société par des étrangers), l’appréciation de la troisième condition cumulative du contrôle, à savoir les « activités sensibles » de la cible, est, elle, plus délicate.

Sur ce sujet, les lignes directrices auraient gagné à donner plus d’exemples concrets pour illustrer les cas d’application, même si elles apportent des précisions sur la détermination de la sensibilité, qui doit se faire au cas par cas, en prenant en compte notamment le chiffre d’affaires, les clients de la cible, la spécificité des produits…

Il n’est donc toujours pas évident, pour une entreprise, de déterminer si ses activités relèvent du contrôle des investissements étrangers, d’autant plus que le contrôle s’étend à certaines activités de sous-traitance. Ainsi, par exemple, un sous-traitant d’un fournisseur du Ministère de la Défense peut se retrouver soumis au contrôle des investissements étrangers, alors même qu’il puisse légitimement ignorer la destination finale de ses produits…

Cela démontre l’importance d’anticiper ces sujets dès le début d’une négociation car la procédure est longue et nécessite des informations précises sur les activités de la cible et de son secteur de marché.

En cas de doute sur la sensibilité d’une activité, les lignes directrices recommandent fortement de déposer une demande d’autorisation ou de recourir à la demande d’examen préalable d’une activité2.

En conclusion, ces lignes directrices restent des orientations générales, afin que le Ministère conserve une certaine marge de manœuvre et ne soit pas lié par des prises de positions sur des cas trop concrets, les différents dossiers soumis au contrôle étant très variés en pratique.

Ces lignes directrices sont toutefois appelées à être mises à jour afin de prendre en compte les retours d’expérience et pourraient donc être complétées prochainement par d’autres positions sur des questions récurrentes de la pratique.

1Rapport du Sénat – 6 juillet 2022 : Cinq plans pour reconstruire la souveraineté économique.

2Lignes directrices relatives au contrôle des investissements étrangers en France – page 21.

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