Agilité : de quoi parle-t-on ?

Le 21 décembre 2020 |
Comment définir les notions d’agilité et d’agilité des organisations ? Comment les méthodes agiles structurent-elles les projets au sein des DSI et contribuent-elles à l’agilité de cette organisation ? En quoi les sujets structurants que sont le DevOps, la gestion agile du portefeuille des projets et la gestion budgétaire agile sont-ils source d’agilité pour les DSI ? Quels sont, enfin, les impacts et changements induits par ces méthodologies au-delà du volet organisationnel ?

L’agilité est un état d’esprit devant s’appuyer sur des méthodologies éprouvées et s’inscrire dans une logique d’amélioration continue

Dans des environnements vulnérables, incertains, complexes et ambigus, la notion d’agilité émerge naturellement et ses préceptes deviennent de plus en plus attractifs. Les organisations amenées à évoluer dans de tels contextes tentent de résister, d’évoluer et de se réinventer pour assurer leur pérennité. Dès lors, elles se lancent dans des transformations dites « agiles » visant à améliorer leurs capacités à s’adapter à leurs environnements. De ce fait, vouloir être agile est devenu « à la mode ». Ce terme difficilement compréhensible par ses usages, fait naître toutes sortes d’amalgames : l’agilité c’est faire plus, plus rapidement, l’agilité c’est se détacher des processus, etc.

Force est de constater la multitude des concepts, pratiques et méthodes qui traitent de ce sujet tels que l’agilité à l’échelle, l’innovation agile, ou encore l’entreprise libérée. Parmi les organisations pionnières de l’agilité, nous retrouvons les Directions des Systèmes d’Information qui ont été à l’origine de l’agilité. Les pratiques et référentiels liés à l’agilité des équipes projet SI sont multiples et s’étendent à l’échelle de l’entreprise.

 « L’agilité c’est la capacité d’une organisation à créer de la valeur et à satisfaire continuellement le client final, tout en s’adaptant aux changements de son environnement » (1). Selon cette définition, l’agilité peut s’étendre à toute sorte d’organisation proposant des services à des clients ou utilisateurs. S’agissant des DSI, et eu égard à l’ampleur et aux impacts métiers des différents projets (mise en place d’un ERP, refonte d’un SIRH, virtualisation du poste de travail, etc.), 95% d’entre elles optent pour les méthodologies agiles (2) : celles-ci sont inspirées du Manifeste Agile (3) et fréquemment basées sur le Guide Scrum (4).

Parmi les ingrédients indispensables pour délivrer de la valeur et satisfaire le client de façon continue dans un environnement changeant, les méthodes et outils mis en œuvre au sein des équipes agiles sont des éléments essentiels à la réussite des projets. Pour optimiser la mise en place de ces méthodes, il convient de commencer par identifier les « pain points » au sein des projets, de faire converger les avis autour de nouvelles pratiques faisant l’unanimité et de cadrer les choix de mise en œuvre grâce à des référentiels méthodologiques éprouvés. Une fois une cible bien définie, l’étape suivante consiste à identifier les leaders agiles qui, au-delà des méthodes, vont insuffler en continu l’esprit agile au sein des équipes. Ce point est crucial car il permet de donner et redonner sens aux choix méthodologiques pour garantir leur bonne application et donc leur efficacité. Les méthodes retenues doivent également faire l’objet de rétrospective régulière afin de renforcer les pratiques fructueuses et de limiter les actions peu utiles. A titre d’exemple, une équipe agile peut démarrer un premier sprint agile avec des daily meetings (ou daily stand up) quotidiens et réduire par la suite leur cadence si nécessaire. Ainsi l’équipe s’applique à elle-même les principes agiles : le mode test & learn, la capacité de s’adapter et l’orientation valeur.

Ce qu’il faut retenir sur la mise en œuvre des méthodes agiles, c’est d’abord l’utilité d’un cadre de référence pour construire le point de départ. Par la suite, une approche d’amélioration continue est indispensable pour pérenniser l’efficacité de la démarche et garder la motivation et la dynamique de l’équipe. Ainsi la vraie question n’est pas tant le choix des outils mais plutôt la capacité de l’équipe à rationaliser ces pratiques et à les appliquer avec un état d’esprit agile.

L’agilité concerne tout l’écosystème de la DSI et impose de repenser les modes gestion, l’organisation et l’outillage de celle-ci : on parle alors d’agilité à l’échelle et de DevOps

Au-delà de la gestion de différents projets en mode agile, la question qui se pose aujourd’hui pour les DSI est la transformation de l’ensemble de la DSI pour intégrer ces valeurs. En effet, rien ne sert de gagner en efficacité sur la gestion d’un projet si l’on se heurte ensuite à la rigidité du reste de l’organisation. On parle alors d’agilité à l’échelle. Pour réussir cette transformation, il est primordial pour la DSI d’analyser sa capacité à gérer efficacement son portefeuille de projets et à établir et suivre les budgets de manière agile mais également à délivrer rapidement les solutions.

La gestion du portefeuille de projets de la DSI peine souvent à tenir le rythme des changements induits par l’évolution rapide des besoins et priorités. Cela est apparu de manière encore plus flagrante avec la pandémie actuelle qui a nécessité pour beaucoup d’entreprises de revoir totalement leurs priorités et d’être capables de le faire à intervalles très réguliers compte tenu de l’évolution imprévisible de la situation. Il s’agit de disposer de processus clairs pour le recueil des besoins métiers et de mécanismes de veille continue (l’exploration) pour capter l’ensemble des besoins. Il s’agit aussi d’avoir les outils nécessaires de priorisation par la valeur des différents besoins récoltés auprès des métiers et des utilisateurs. Des référentiels d’agilité à l’échelle tels que Safe avec la gestion du lean portfolio proposent des approches permettant d’intégrer l’agilité attendue à la gestion du portefeuille de projets. L’objectif est d’utiliser, à l’échelle de l’ensemble des projets de l’entreprise, cette même méthode de priorisation de manière étendue et d’en faire une démarche systémique.

Derrière la gestion du portefeuille se cache aussi le sujet du suivi budgétaire. En effet, en démarche classique, le périmètre du projet est connu en amont, les spécifications permettent à travers des abaques d’estimer assez justement les coûts des projets. La DSI gère ainsi de manière silotée le budget de chaque projet et reporte les charges par projet selon différents axes analytiques (infrastructure, équipement, build, run, etc.). Le paradigme agile inverse complètement cette logique. Dans une optique de souplesse, les projets agiles sont lancés avec moins de visibilité sur la solution finale et donc naturellement des écarts plus importants sur l’estimation budgétaire. Mais est-ce vraiment un problème ? Ce qui est important en suivi budgétaire agile c’est de s’assurer que chaque euro/effort dépensé apporte une valeur certaine aux utilisateurs. Il ne s’agit donc pas d’être juste sur le budget mais d’adopter des méthodes d’allocation dynamique de budget permettant de financer les initiatives les plus prioritaires en termes de retour sur investissement (valeur vs. coûts).

Enfin, dernière clé de succès pour réussir cette transformation agile de la DSI : la capacité à automatiser les processus mis en jeu dans l’ensemble de la chaîne de delivery dans une optique de réduction des délais (amélioration du Time To Market), avec évidemment maintien de la qualité et du niveau de sécurité attendus. On parle alors de DevOps (ou plus récemment DevSecOps pour mettre mieux en avant les enjeux de sécurité). Il s’agit d’une nouvelle culture ou philosophie de la production d’applications et de solutions IT, qui a pour objectif d’associer les équipes de développement (Dev) aux équipes opérationnelles (Ops) pour produire plus rapidement et de meilleure qualité. Né au début des années 2000, le mouvement DevOps se voulait avant tout un changement culturel favorisant la collaboration entre ces deux équipes. Il a pris son véritable essor avec l’arrivée des outils d’automatisation et plateformes de développement et de test en continu qui ont permis d’atteindre concrètement ces objectifs. C’est pour cette raison que le DevOps est aujourd’hui souvent associé uniquement à ces logiques d’automatisation alors qu’il embrasse un périmètre plus large. L’adoption d’initiatives DevOps est un sujet qui concerne en moyenne 75% des organisations (5).

Une nécessaire promotion du changement de culture par les leaders agiles

Si les méthodes et outils agiles ainsi que les modes de gestion agiles (portefeuille agile, budget agile, agilité à l’échelle, DevOps) sont indispensables pour atteindre les objectifs visés, il reste tout de même un volet encore plus essentiel à la réussite de la transformation agile d’une organisation. Les différents retours d’expérience montrent que sans un cadre favorable à l’agilité, il est illusoire d’espérer bénéficier des promesses de ces démarches. Ce cadre consiste avant tout à avoir un bon niveau de leadership prônant une culture et des valeurs agiles. Concrètement, devenir agile est une orientation stratégique qui doit être portée par des leaders agiles. Cette orientation doit être soutenue par le développement d’une culture agile qui valorise l’individu. Les dirigeants et managers doivent faire évoluer leurs pratiques managériales et incarner les valeurs agiles afin de responsabiliser et engager davantage les équipes, d’instaurer un climat de confiance de transparence d’ouverture et de respect, d’encourager l’autonomie et la prise d’initiative et de promouvoir l’apprentissage et l’amélioration continue. C’est ainsi que les leaders agiles jouent pleinement leur rôle et favorisent l’émergence de l’agilité individuelle et collective.

En plus de la culture agile et des pratiques managériales adaptées, le volet compétence constitue un levier fort pour garantir la réussite de cette transformation vers l’agilité, comme pour toute autre transformation d’ailleurs. L’enjeu pour les organisations est à la fois de rétention pour les ressources clés et d’attractivité pour les besoins non couverts. Une équipe agile doit incarner cette continuité et cette attractivité. Pour cela, la transversalité des équipes aide à mieux répondre aux besoins nécessitant des compétences et à adapter les compétences de l’équipe aux nouveaux besoins. En effet, le mode équipe intégré (Pizza Team) facilite le transfert de compétences via la collaboration et la proximité. Par exemple, un développeur et un testeur travaillant dans la même équipe peuvent partager leurs compétences respectives pour le bien du projet. Ainsi le développeur peut intervenir pour effectuer des tests sur le code avant sa livraison et acquérir quelques compétences de tests. Il peut aussi aider le testeur à comprendre les choix d’implémentation ou les spécificités du langage de développement. La collaboration permet alors une montée en compétences plus rapide et plus facile à fortiori dans un environnement stimulant et bienveillant ou autrement dit pleinement agile.

Pour prolonger la réflexion, l’agilité de la DSI n’est qu’un exemple de domaine d’application. La rigidité des processus de l’entreprise pouvant être un frein aux promesses faites par la DSI, il conviendrait d’adresser le sujet à une échelle plus globale pour intégrer dans une telle démarche l’ensemble des chaînes de valeur de l’entreprise.

(1) Culture Agile - Jean-Claude Grosjean

(2) www.stateofagile.com

(3) http://agilemanifesto.org

(4) www.scrumguides.org

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