Sapin II : nouvelles recommandations de l’AFA
Le 16 mars 2021 | Que retenir de la mise à jour des recommandations de l’Agence française anticorruption (AFA) parue au Journal officiel le 12 janvier 2021 ?
Le cinquième des 8 piliers de l’article 17, dédié aux contrôles comptables, semble être celui posant le plus de difficultés d’application. Manifestement, c’est face à 3 interrogations spécifiques – et récurrentes – que les entreprises se heurtent lors de la mise en œuvre de ce pilier, à savoir :
Les recommandations de l’AFA, les rapports de contrôle de l’Autorité, ainsi qu’une bonne part de la doctrine et de la pratique ont à ce jour assez précisément répondu à ces 3 questions :
Une fois ces 3 points de fond appréhendés par les organisations soumises au dispositif Sapin II a surgi une question assez surprenante, mais qui semble faire florès, et qui pourrait être énoncée comme suit : « Finalement, le pilier 5 n’est-il pas une adaptation de l’appréhension du contrôle interne à la mode du Sarbanes-Oxley Act (SOX), la Public Law 107-204 de 2002, qui s’impose depuis à toutes les sociétés cotées sur marché américain ? ».
De façon lapidaire, le texte américain, créé en réaction aux scandales Enron et Worldcom, impose au commissaire aux comptes de porter une opinion sur la qualité du contrôle interne d’une entreprise cotée sur un marché américain. Tout comme ce même commissaire certifie les comptes, il doit donc certifier la qualité du contrôle interne telle qu’il la perçoit.
Alors pourquoi cette question se pose-t-elle ?
Une fois ceci posé, la transposition des modalités de traitement du SOX est-elle la réponse la plus adaptée aux exigences du texte et de l’Agence ? Pour répondre à cette question, il convient de rappeler le fonctionnement technique de l’application du SOX dans les organisations qui y sont soumises.
Pour faire simple, le SOX est guidé par le COSO, lui-même un référentiel de contrôle interne, présenté sous la forme d’un cube, et donc de 3 dimensions :
Et dans ce cube divisé en autant de sous-éléments à la jonction des 3 dimensions, il faut démontrer, démontrer, et démontrer encore matériellement que l’organisation soumise au SOX s’y conforme correctement. Caricaturalement, il s’agit donc d’un exercice particulièrement lourd et coûteux, où doivent être empilées les preuves de l’application vertueuse du texte, et où il convient de se cantonner dans un premier temps à déterminer combien de preuves doivent être réunies – le fameux échantillonnage – pour chaque contrôle avant de se lancer dans une course (folle ?) à la collecte de ces mêmes preuves. Après s’être évidemment assuré qu’au fond lesdits contrôles étaient pertinents.
Or doit-on déployer, ou l’Agence exige-t-elle un tel déploiement de force lors de ses contrôles ?
Pour l’heure, et pour l’heure seulement, l’AFA n’a de cesse de vérifier qu’il existe bien une corrélation entre cartographie des risques de corruption et dispositifs de contrôles de 1er, 2ème et 3ème niveaux et que ces liens sont matérialisés – sans exiger toutefois de contrôle forcené de leur application. Mieux encore, il semblerait que l’évocation de l’application de SOX et de ses batteries de tests n’emporte que modérément la conviction de ses contrôleurs.
Dès lors, il semblerait bien que le traitement des contrôles comptables doive s’attacher au fond, en démontrant que chaque risque de la cartographie est correctement pris en charge et limité par des contrôles, et que ces derniers sont formalisés et clairement rattachés aux risques de la cartographie. Ce qui n’est déjà pas une mince affaire pour nombre d’organisations.
Le lancement à corps perdu dans une démonstration de force de l’application des contrôles n’étant pas encore à l’ordre du jour, l’énergie déployée par les entreprises doit être tournée vers le fond, plutôt que vers la forme. Sans perdre pour autant de vue toutefois que tout contrôle revendiqué se doit d’être appliqué, et que, si l’Agence n’exigera pas de vérifier mille occurrences, elle n’acceptera certainement pas non plus que le moindre des contrôles qu’elle observerait soit défaillant.Et en cela, Sapin II est finalement très éloigné de SOX.
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